Radioscopie d' une Cité: NINDJE

Longtemps fierté de la Noble dynastie solaire des Saa , très peu de Basaa se rappellent de ce que Nindjé représente dans la culture du Mbog. Pourtant cette cité de la province céleste de Babimbi , dans l' actuelle sous préfecture de Ndom, mérite une attention particulière.

 

 

                                                    ...Historique

Bilim bi Kotige, vaillant Bassa, était un homme de petite taille. De Cette caractéristique, certaines femmes lui attribuèrent le sobriquet méprisant de «  Kol Isiba » « le bout du tabac ». Et pour Cause ? Agent d' investigation dans la centrale policière et administrative  Ngue , il s était spécialisé dans la police des mœurs. Ses haut faits dans l exercice de son métier lui ont valu l' admiration de toute la collectivité au point de recevoir le surnom de 

         « Isong  li Pé ngo Njeng i yèlack , mi hoo mi boda » c est à dire, «  la dent de la vipère de ngo Njeng qui dénonce les femmes adultères ».

Au cours d une dispute avec son épouse ,Ngo Tjaa Makoo, celle s enfuit et fut dévorée par un jeune lion ,qui fut aussitôt  abattu par un certain Simb Mandeng.[...]. l apparition d une lionne  dans une localité détermina le nom de cette localité : ñin Njee(lire hin njee)= Femelle lion= Lionne

 

 

 

 

                                  ...Glorieux passé de la cité

     Dans leur évolution et en fonction de la conjoncture,les cités acquièrent une certaine importance. Cette importance stratégique peut être politique, commerciale, culturelle ou militaire.La cité de Nindjé, construite vraisemblablement au milieu du XVIè siècle, connut une grande prospérité et une excellente réputation grâce à la maîtrise de l artisanat textile. c est ici que se rencontraient tous les meilleurs artisans , et l évolution technologique des métiers à tisser se déclenchait à partir de cette localité. Cette technologie engendra une immense activité activité économique qui englobait une bonne partie du Sud Cameroun. Dans le circuit économique lié à cette activité, à chaque étape correspond un corps de métier protégeant jalousement son savoir faire

1ère Etape : Extraction des fibres végétales

Le choix des fibres végétales etait important.On ne pouvait cueillir que des fibres qui se prêtaient au tissage.Mais si  de par des propriétés mécaniques , la fibre n était pas optimale pour le tissage, il fallait recourir à un traitement du matériau . Ceci afin de lui apporter l' Elasticité ,la Résilience ou la Durété requises. La connaissance des produits pouvant modifier ces propriétés mécaniques étaient donc indispensables

 

2ème Etape : Traitement biochimique

A cette étape les acteurs de la filière pouvaient modifier la couleur par un usage précis des colorants naturels. Le dosage était un critère de réussite.

De même soumises à un milieu tropical  favorable aux infections, il fallait appliquer un traitement spécifiques à ces fibres.Les analyses chromatographiques des huiles essentielles utilisées, mettent en évidence des composantes bactéricides et  fongicides.

3ème étape : Tissage

Les métiers a tisser rentraient en jeu à cette étape. Il fallait pour chaque cérémonie définir un point de tissage différent des autres.Ce qui entraîne une course à une grande innovation technologique.

 4ème étape :Négoce

Cette dernière étape se distinguait des autres par  l' importance des aptitudes et compétences commerciales.  Les métiers commerciaux ont toujours été le cœur de toute filière économique.Il fallait procéder au négoce de ces sanja(1) en fixant les taux de change entre le sanja et les différents matériaux : Ivoire, cauris, barre de fer etc...

 Lorsqu on examine minutieusement le circuit économique , on est réellement impressionné par les différents métiers qui s y concentraient.De l' extraction des fibres végétales au pagne, il fallait mobiliser des compétences dans les domaines aussi variés que la Botanique, Résistance des matériaux(RDM) ,La Mécanique , la Chimie verte et le Marketing etc...

Ce savoir faire conféra à cette savante cité scientifique et technologique, une importance stratégique dans la culture et le système politique Mbok Bassa.

En effet , Nindje hérita de la prestigieuse charge de confectionner le « Jaret Li Ngué » : c est à dire le précieux coussinet du tambour sacré du Ngué. Dans tout le Mbok Bassa , chaque tambour devant convoquer un quelconque Synode,ou une assemblée reposait sur un coussinet sorti des métiers à tisser de Nindjé. Jaret li ngué  déterminait automatiquement l origine du tissu.Nous sommes en présence de ce qu' on nommerait  de nos jours une Appellation d'Origine Controlée (AOC).Sans doute la toute première dans l'Etat Bassa du XVè-XIXè siècles

L introduction des cotonnades venues d Europe sonna le glas de cette prospérité et tout le savoir faire se volatilisa en quelques décennies. Néanmoins quelques téméraires défenseurs de la culture, n ont pas abdiqué face à ce bouleversement et se sont transmis les secrets de générations en générations.

 

                                          ...Nindjé aujourd'hui et demain

       Comme toutes les localités voisines, Nindjé vit des activités agro-pastorales, la cité quelque peu  enclavée par manque  n arrive pas à transformer ses productions pour  le marché régional ou national. Mais la collectivité soucieuse de son développement ne s' incline pas. Nombreux sont ceux qui dans le pays Basaa considère cette éclippse temporaire . Et cette vieille cité retrouvera grace aux efforts des uns et des autres, le rayonnement et le prestige qu' elle mérite . Et cette Renaissance culturelle passe peut être par une réhabilitation des savoir-faire ancestraux. On pourrait imaginer les différentes associations Bassa, arborant des uniformes sortis tout droit des métiers à tisser de Nindjé. C est ainsi que nous pourrons réhabiliter la mythique cité.

(1) Sanja= Pagne en Basaa

I kété li nyang

Francis

 

 

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