ETAT BASSA XVè-XIXè Siècles: Le Découpage administratif.

            Le Peuple BASSA, comme beaucoup autres peuples, avait un système politico-administratif .Nous verrons en quelques lignes les grands traits de ce système

administratif et plus spécialement du découpage administratif de l’Etat Bassa pré-colonial.

                                              …Historique

          Repoussés par le surpeuplement , les guerres et la sècheresse à la fin du XVè siècle, les BASSA comme d’autres peuples perdirent leur espace naturel qui est la savane. Ils s’enfoncèrent dans la forêt, ce qui nécessitait une nouvelle adaptation à l’environnement physique. C’est ainsi qu’au concile de Ngog Lituba, les Bassa adoptèrent un schéma administratif qui reste toujours vivace malgré le découpage colonial et post-colonial

                                        …Mode de découpage

Les peuples occupent les terroirs en fonction des valeurs et des principes qu’ils veulent incarner. Dans cette optique on peut se poser la question de savoir pourquoi les Bassa ont adopté un découpage administratif aussi original et qui tranche radicalement avec celui pratiqué par la plupart des autres peuples. Dans la monographie consacrée au peuple Bassa, le Pr Dika AKWA nous faisait remarquer ceci :

(.)Il est à noter que chez les Duala, par exemple, la configuration spatiale coïncide avec la configuration ethnique au point qu’on est en présence d’un arbre généalogique étendu sur le sol, les proches parents vivant cote à cote et les groupes parentalement éloignés s’éloignant du port de Douala sur le plan d’occupation du sol. Les Basa ont un autre mode d’occupation du sol(.)

Quel est ce mode d’occupation des sols pratiqué par les Basaa ?

           Le découpage administratif adopté au Concile de Ngog LITUBA(XVè siècle) est une réelle synthèse entre d’une part l’adaptation à un milieu forestier qui comprime, étouffe et limite les moyens de communications ; et d’autre part la nécessité de préserver l’unité et la démocratie des SAA. Ce découpage administratif a été exécuté suivant une règle simple mais qui n’était connue que de quelques initiés ; Du moins jusqu’à la publication des travaux des Ethnologues Historiens camerounais ,dont le Pr DIKA Akwa

(…)Dès que les Basa arrivèrent dans le Vieux-Cameroun qu’ils occupèrent de bout en bout, ils scindèrent le territoire en huit secteurs cosmo-militaires gravitant autour de la grotte sacrée de Ngog-Lituba ou plus concrètement autour de la contrée Babimbi.(…)

          En effet les Bassa ont découpé leur territoire en neuf provinces. La première de ces provinces est la province BABIMBI . Gravitant autour de cette province, il existe huit autres provinces qui correspondent aux huit phases de la lune par rapport à la terre BABIMBI(le centre-stable). Ces huit provinces sont : LIKOL, BATOUK, HOLONG, NGOMBOLO, BIKOK, ABASANKON ; KIDIBIANG, MBASSA-BASSA.

Ce découpage ayant été fait en fonction des phases de la lune, et la lune étant l’astre de la guerre chez les Bassa, le découpage administratif a été qualifié de découpage cosmo-militaire. Une étude approfondie nous permettrait justement de voir les différences entre un découpage solaire et un découpage lunaire. Mais pour l’instant , restons dans notre découpage lunaire.

                        Intégration généalogique… Intégration territoriale

         Chacune de ces provinces a reçu une portion des dix familles1 BASSA. La branche aînée restant dans le Babimbi à coté d’un Lieu saint. Les branches cadettes étant réparties dans les huit autres provinces. Chaque famille étant représentée dans chaque province, on constate facilement que chaque province est une mini-nation BASSA.

           Contrairement à d’autres ethnies qui ont pratiqué l’intégration généalogique, où la proximité géographique témoigne de la proximité sur le plan généalogique ; Chez les BASSA il n’y a pas de corrélation entre la géographie et les généalogies. Le tableau* ci-dessous nous en apporte la preuve. Il n’existe donc pas de clans Babimbi, qui seraitdifférents des clans Holong, Bikok , Mbassa, Ngombolo… mais des provinces ou réside le peuple Bassa. C’est pourquoi on dit que le peuple Bassa a pratiqué une intégration territoriale.

 

BABIMBI

HOLONG

NGOMBOLO

BIKOK

LIKOL

MBASSA

BATOUK

Kidibiang

Abasankon

LIEU SAINT

BASINKOL

Log NKOL

Ndog NTJOCK

Log BISU

Log BAKI

 

 

Ndok TOK

 

 

NGOKOLOKONG

(rocher de l’infini)

BAKENG

Log HEEGA

Ndog NDJEE

Log BAKENG

Log DIKID

Log Bakenga

Log BAKENG

 

 

 

LINKOLO

MPOO

Baso ba LIKOL

Ndog BISSO-YABI

YAPOMA-YABIANG-YAPEKE

ADIE

BASSO BA LIKOL

DIMBOMG, NDOG PENDA

 

 

 

**

NYOMB

Log NTOMB

Log NGOND

 

 

Log HENDE-MANGAA

 

NDOK HENDE

 

 

 

IBOI

LINGOK-

JOL

Ndog KOBE

Ndog BEA-Ndog SEND

BEAYA

Ndog KOBE

Ndog BEA

 

OSSEN

 

ESSELE

 

MAWANDA

(colline de cailloux)

 

SOP

 

 

 

BAKEMBE

 

 

Ndog BATI

Log NGIND

 

 

Log OT

 

 

 

 

LEP DJOUEL

 

OU

 

 

Log NWANAG

 

Log BAEG

 

Log KAT

 

Ndog NEN

 

 

 

 

 

 

SIMGANG

(rocher totémique)

 

MBELEK

 

 

 

 

Ndog SUL

Ndog KAMA

Log BAKOO-Ndok KOMA

 

Ndok KAMA

 

 

 

**

NSAA

Ndog HEM

 

Ndog HEM

Log Babem

 

 

 

 

 

 

IWENG

 

 

MBASSA

 

Ndog BANGUE-GUES

Ndog POL

Log Bakem

Log SANHO

 

 

Ndog POO

 

 

 

 

NGOG NYOUMA

L’intégration territoriale a permis au peuple BASSA de préserver son unité  en évitant une fragmentation en différents clans et sous-clans, qui pourraient devenir de vraies tribus. Mais elle a aussi permis de conserver les valeurs culturelles du peuple, car chaque province comme nous l’avons vu n’étant qu’une mini-nation BASSA.

    La communication n’étant facile en milieu forestier étendu; les autorités provinciales devaient donc assurer au quotidien toutes les fonctions et prérogatives de l’ETAT. Ce système qui consiste à attribuer aux provinces certaines fonctions de l’Etat est ce qu’on appelle la décentralisation. Décentralisation qu’il ne faut pas confondre avec Fragmentation ; car les autorités centrales exerçaient leur droit ; leurs pouvoirs étaient reconnus par les autorités provinciales. Le PEM-NJEE au niveau législatif, LE BATUM au niveau judiciaire, LE NTAP au niveau militaire, SAN MALAN MA NGUE pour l’exécutif incarnaient toujours l’unité du peuple BASSA ainsi que sa démocratie. Cette décentralisation intensive donne souvent l’impression que les Bassa constituent une société acéphale- existe il de sociétés acéphales ?-L’ étude des différentes institutions politiques du peuple Bassa2 montre plutôt une séparation des pouvoirs, avec un pouvoir législatif légèrement plus puissant que les autres.

                                           …Limites des circonscriptions administratives

            On entend souvent man Babimbi, man Likol etc….Ce qui sous-entend que ces limites administratives, malgré les découpages arbitraires successifs du territoire BASSA, sont toujours présentes dans la mémoire collective. Le Nkam, Le Nyong et Kéllé, la Sanaga maritime, le Wouri et même parfois le Haut Nkam et le Ndé n’ont pas réussi à effacer ce découpage de la mémoire des BASSA .

           Ce découpage a été fait en fonction des fleuves et rivières, leur sens d’écoulement, de certaines plantes, des montagnes et de la position du soleil et de la lune par rapport à ces montagnes et parfois du reflet de ces deux astres dans les cours d’eau. Nous avons ici une procédure qui relève des Hautes autorités, disons de l’Initiation. On peut donner quelques limites (approximatives) de ces provinces pré-coloniales, mais surtout leurs correspondances dans le système administratif du Cameroun actuel. C’est à dire les préfectures, Sous- préfectures districts ou villes correspondants.

         On sait en outre que chacune de ces provinces remplissait des charges et des prérogatives bien définis. Le tableau ci-dessous résume bien ces fonctions et ces limites territoriales3.

provinces

Circonscriptions actuelles

fonctions

 

 

BABIMBI

 

Ngambe, Song lolo, Ndom

 

LEGISLATIVE ET SPIRITUELLE

 

HOLONG

 

Makak, Eseka,

Messondo ,Dja et lobo

 

JUDICIAIRE et MILITAIRE

 

LIKOL

 

Dibang,Bot-Makak,Nyaho’o,Nyanon

Kikot

 

SCIENCES MEDICALES

 

NGOMBOLO

 

Mouanko, Wouri, Dizangue,Mungo

 

CONTROLE DE L’ETAT

 

BATOUK

 

Omeng, Ndikiniméki,

Makénéné

 

SCIENCES AGRONOMIQUES

 

BIKOK

 

Pouma, Edea,Kribi

 

EXECUTIVE-FEDERATIVE

 

MBASSA

 

Yabassi, Nkondjock, Yingui

 

ACTIVITES ARTISTIQUE

 

 

KIDIBIANG

 

Ndé, Haut-Nkam

 

ELEVAGE-AGRICULTURE

 

ABASANKON

 

Lekié4 et Haute sanaga,kikot,

 

AGRICULTURE-EXPANSION

        IL est important de rappeler que la province de LIKOL est bien différente de la province de HOLONG .L’EST n’est pas le SUD. Et on déplore que de nos jours, le découpage administratif actuel pousse de plus en plus à une confusion entre les deux provinces. On dit Baso ba likol, mais pas Baso ba holong. Et la SANAGA n’était pas une limite intangible dans le découpage administratif des BASSA. De même que la ligne de chemin de fer n’existait pas, donc ne pourrait constituer une limite administrative.

                                  …Africanistes et Chercheurs camerounais

On arrive très souvent à se demander pourquoi depuis des lustres, une certaine recherche nous enseigne que les Bassa étaient concentrés dans la ville de Douala-Bassa ? Pour les uns ils auraient été repoussés à la suite des guerres ;et pour d’autres le non-usage des équipements sanitaires et hygiéniques des nouveaux arrivants les aurait obligés à un retrait. Les Holong n’ont jamais été dans la ville de Douala-Bassa, les Babimbi non plus, il en est de même des Batouk et des autres provinces. La province qui correspond à la côte chez les Bassa est le Ngombolo. Et ces Bassa sont toujours dans le Wouri et ses alentours.

         Supposons que les Bassa aient été repoussés, les peuples qui les ont délogés utilisaient quelles armes ? Jusqu’à ce jour, les fouilles archéologiques effectuées, nous démontrent que la métallurgie dans le Sud-Cameroun concerne les Bassa et les Beti5.

          Qu’il y ait eu quelques escarmouches, ceci ne fait aucun doute. Mais pas au point de déclencher un vaste mouvement migratoire de la côte vers l’intérieur. Les Bassa décrivent leurs migrations dans le sens Nord-Sud, mais pas dans le sens Ouest-Est. Aucun récit, aucun mythe, ne nous raconte une telle migration. La diffusion serait plutôt partie de la savane pour atteindre la côte.

          D’une façon générale, l’installation des différents peuples dans la région du Littoral, n’est pas une affaire d’opposition ou de confrontation ; mais une décision consensuelle prise dans le secret des confréries, des sociétés secrètes, dont plusieurs étaient communes à ces peuples .On peut aussi mentionner le poids des alliances matrimoniales, et des activités économiques propres à chaque peuple.

            Il serait peut être temps, que nos chercheurs camerounais soient respectés, et que leurs travaux soient divulgués. Ceci nous permettra de comprendre les motivations des « Africanistes » comme : Austen, Bureau, Derrick, Ballandier etc…Car le modèle scientifique, utilisé pour étudier l’histoire et la sociologie des peuples d’Europe, peut s’avérer inefficace lorsqu’on l’applique sur les peuples d’Afrique.

I kété li nyang

Francis 

 

 

sinkol, Bakeng, Jol, Sop, Mbassa, Nsaa,Nyomb,Mpoo,Ou,Mbeleck,

(2)Etudes qui seront publiées prochainement sur adina-bassa.com

(3)Ces limites désignent soit une circonscription administrative, soit une ville et ses alentours

(4)La présence de certains départements peut paraître surprenante, mais les clans comme les Esselé à obala, les ossen à Bafia, les yambong, Essalato, Essaboum, Essakora… dans le Dja et lobo, les Bamvéllé dans la haute sanaga etc… témoignent bien de la présence des Bassa dans ces régions. Des sérieuses recherches en Ethnologie, montrent que les Bassa occupaient certaines régions des Hauts-plateaux de l’Ouest, avant d’être submergés démographiquement.

(5)Travaux du professeur Essomba Archéologue

(*)Les cases vides du tableau témoignent de l’état d’avancement de nos recherches.Nous comptons identifier les différentes familles dans les prochaines années.

Bibliographie

-Savoir social du peuple Bassa-Professeur Mboui Joseph

-« Nature et formes de pouvoir dans les sociétés dites acéphales »- Résumé du colloque organisé à Yaoundé Mars 1978 ; avec la participation des professeurs Titi Nwel, Bikoi Tam, Soundjock

             -Monographie sur la nationalité Basa-Professeur Dika Akwa

             -Evolution des structures politique au cœur de l’Afrique IXè –XIXè siecles-DIKA Akwa

-Un regard africain sur la communication Professeur Fame Ndongo

-Métallurgie au Sud Cameroun –Travaux du professeur Essomba 1986- Fouilles archéologiques

-Les Bassa du Cameroun J.M POUKA-1950-Cahiers d’Outre mer

-Sources orales