ETAT BASSA XVè-XIXè siècles:Dispositions constitutionnelles

     Etablie et promulguée au concile de Lituba à la fin du XVè siècle, la constitution qui régit la vie politique des Bassa, a connu plusieurs aménagements et ajustements au cours des siècles. Toutefois, sa lecture approfondie nous révèle certains aspects qui mériteraient un minimum d analyses. On peut entre autres évoquer le rapport que les autorités politiques entretiennent avec le sacré (problème de laïcité) ; en d 'autres termes quelle est la ligne de démarcation entre le religieux et le affaires publiques ? Quelles sont les probabilités d accession à ces postes de responsabilités pour les citoyens (problème démocratie républicaine) ? Est ce un Etat républicain ou un système aristocratique ? une démocratie ou une théocratie ?

 

                          ...Liberté d expression...Assemblée

          La démocratie se caractérise par la séparation des pouvoirs, le contrôle de ces pouvoirs, et la liberté d expression. On sait que le MBOK était articulé autour des institutions telles Matouk(législatif), Ngue(exécutif), Um(judiciaire) etc... s.Et les assemblées telles Boma Mbok, Likoda li Mbok,Boma Mbai étaient le lieu par excellence du débat contradictoire, témoignant de la vitalité démocratique du MBOK BASSA .Josef KOHLER Professeur de Droit à l Université de Berlin et pionnier de l Anthropologie juridique , déclarait :

« Les Basa connaissent l’institution du chef. Le chef jouit d’une voix prépondérante dans les assemblées des notables et les jugements rendus. Il peut commuer une peine capitale en une peine moindre. Ce rang et les privilèges qu’il entraîne lui demeurent acquis en temps de paix comme en temps de guerre Il n’a pas le droit de mort sur ses sujets. Les membres de la collectivité placés sous son autorité ne sont pas des « sujets » dans le sens où nous l’entendons ; il n’a aucun droit sur leurs biens ni sur leurs femmes ».

                       ...Succession...Transmission...Election

               La démocratie ne se limite à la liberté de parole, il y a une notion de mérite qu' il faut examiner. Le mérite dans ce cadre concerne les modalités et les formalités requises quant à l'accession à des hautes fonctions

            Parfois succession, souvent élection,l'accession à des responsabilités chez les Bassa obéit à trois logiques.

        Le MBOK « Bibang » : C'est l accession quasi-héréditaire, le successeur doit présenter les reliques ,les armoiries et les insignes(bibang) liés à la fonction . Même si le successeur est choisi en fonction de ses qualités intrinsèques, les candidatures sont limitées au sein de l entourage proche du dignitaires disparu. Toutefois, on requiert l'approbation de la collectivité

       Le MBOK « Kété dap » :autrement dit le MBOK attribué à partir d' une initiative populaire. C' est toute la collectivité qui présente le futur dignitaire au collège de la confrérie, qui doit l'initier et le consacrer. Il devient un dignitaire , uniquement par ses mérites. Dans ce cas, toute personne s 'étant distinguée par les actes de bravoure , de générosité et de solidarité animée par une moralité stricte,peut accéder aux hautes fonctions de l appareil de l' Etat .

        Le MBOK « Liwasi mijeba mi mbok »: qui signifie littéralement « déchirer une branche du MBOK ». C 'est une notabilité usurpée par sécession. Cette situation se présente quand la succession est conflictuelle. Alors un des protagoniste décide de créer une collectivité distincte et autonome.

Ou Certains BASSA,otages d un ego-sur-dimensionné, réclame le MBOK et ceci sans aucune légitimité, engageant une partie de la collectivité dans cette aventure .C'est le mode d' accession le plus malsain et illégitime, malheureusement le plus fréquent de nos jours

Ces trois procédures mettent en lumière deux exigences invariables :

-La Probité de l impétrant

-L'approbation de la collectivité.

           La désapprobation du peuple annule la cérémonie de LIBAMBALMBOK- consécration plénière-. Et le poste reste vacant;ou alors si l'urgence l'impose((Guerre, Epidémies, Invasion,Catastrophe naturelle), on le transmet à une autre famille ou clan. Ce qui démontre, que les fonctions politiques appartiennent au peuple Bassa.

       Cette souveraineté du peuple entraine le principe de la destitution démocratique:Si un dirigeant commet un crime, vol, inceste, adultère, quelque soit son niveau de responsabilités, le peuple souverain peut prendre les sanctions allant d'une simple amende à la destitution définitive. En Basaa on dit Liso Mbok

             C 'est avec une grande amertume que l on constate la prolifération des dignitaires dans le pays Bassa. Surtout qu'on connaît la symbolique du chiffre et son utilisation , dans les assemblées et la culture Bassa en général. Et pour une fois, on espère que la colonisation ne sera pas tenue responsable pour cette dégradation.

                     ...Grandes Institutions d' Etat

         Au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, correspond le principe de la séparation des capitales. En effet, le MBOK BASAA, afin d éviter des collisions fâcheuses entre les ses différentes institutions, a assigné chacune d'elles dans une localité ou province. Tout  en optant pour un autre principe constitutionnel :la primauté relative d'une famillesur une institution; quiinduit à son tourle principe de la spécialisation opérationnelle.

         Au niveau du pouvoir militaire, Kwakwe1, le chef d 'état major général Ntap, était un membre de la famille Mbeleck, sous-famille Ndog Sul et clan Song Ntap à Mom. Aucune autre famille ne pouvait prétendre à ce rang. Sauf circonstances particulières mentionnées ci-dessus. Bien que tout le peuple Basaa était concerné par cette succession et devrait donner son approbation ,les candidatures provenaient exclusivement du clan Song Ntap ou alors de la famille Mbeleck. Ce qui réduit considérablement le choix et la compétition démocratiques.

          Au niveau de l'exécutif, Ngue, le Monophysite2, le supérieur religieux de l institution, Sang Malan Ma Ngue était toujours de la famille Mpoo, sous-famille Basso Ba Likol(Bisso'o), clan ou ascendance Minyemeg Mi Sim. La transmission ou l élection se déroulant dans les mêmes conditions que pour le pouvoir militaire. Le chef opérationnel ,le grand stratège, étant soit un Ndog Bissol, soit un Yabii, ou un Adie , qui sontaussides sous-familles Mpoo.

           En ce qui concerne le pouvoir Judiciaire, Um, le juge suprême portait le titre de Batum, la famille sous-famille Log Ngond enétait le détenteur. L institution siégeant à Eseka. Province céleste de Holong

           Le conseil féministe, économique, et social, Ko'o,impérial,inquisiteur et inflexible sur la parité et l'égalité Homme-Femme, était dirigé par la magistrale Kiyembel, Doyenne des Vertueuses, assistée par les honorables Kindak, Vertueuses cardinales, et les vénérables Madjo Vertueuses de grâce et de dévotion. Assurant auprès des jeunes filles, une initiation rigoureuse, afin de former des femmes dignes , autonomes,rebelles et autoritaires; mais des mères parfaites et des épouses fidèles et dévouées.

       Au niveau du Contrôle de l'Etat, (le contre-pouvoir), Hikoo(Kobi), le Grand Censeur administratif,le Médiateur principal, appelé Hiko-Oli3, était issu de la famille NSAA, sous-famille Ndog Bong résidant dans la province céleste de Ngombolo

    Pour le législatif, Matouk, Le premier des Nkaambok4 et des Mbombok, respectueusementappelé Pem- Njee, le lion invincible, était issu de la famille Nyomb, sous-famille Log Ntomb.L élection et la désignation se déroulant dans les mêmes conditions que les cinq premiers.

      La participation du peuple aux élections et aux débats,consacre la démocratie des Bassa. Mais la limitation des candidatures à certaines familles et la difficulté pour les autres familles d accéder à ces hautes responsabilités écornent, édulcorent quelque part le caractère républicain de cet Etat.

Mais à coté de ces fonctions régaliennes, il y avait d 'autres responsabilités dans les institutions telles :Singa,Njel-Njel etc... qui revenaient aux autres familles. le but étant de favoriser la participation de toutes les provinces et de toutes les familles à l'exercice du pouvoir.C est le principe de la répartition équilibrée des charges. Equilibre entre les familles, équilibre entre les provinces.

                           ...Théocratie ou Laïcité ?

      Le système socio-politique des SAA fait une distinction assez nette entre les Bikila et les Mabenda.

      Les Bikila seraient un ensemble de tabous , un code qui relèverait de la vie spirituelle. Il concerne les interdits alimentaires, les règles de bienséances,les codes corporatistes. On pourrait le comparer approximativement au regime Halal des musulmans ou Casher du Judaisme. Alors que les Mabenda sont les lois de la cité: code civil, pénal, commercial etc...

     Mais quelles étaient les procédures légales retenues lorsque qu'un citoyen était reconnu coupable de transgression d'un Bikila d'un Mabenda ? Dans le premier cas il offensait Dieu- Elolombi- et devrait y répondre de façon solitaire par les prières, le jeûne et d autres pratiques. Dans le cas des Mabenda, l' appareil judiciaire était saisi et les poursuites judiciaires étaient engagées. On y verrait une séparation entre le politique et le religieux .

       Pourtant, le premier des SAA, Pem-Njee, le lion invincible, est considéré comme le premier intercesseur entre son peuple et Dieu -Nyambe .Si les conclaves et synodes périodiques, tenus à Song loulou et Lituba, avaient pour objectifs, l harmonisation et l'uniformisation des lois sur tout le territoire Bassa ; Il n en reste pas moins que le Gwa-Mbok5, le sacré-collège qu'il dirigeait ,était une assemblée de Nkaambok, dont le rôle était d intercéder auprès de DIEU. Le Pem-Njee apparaît donc comme le chef d une Eglise ; Pontifex maximus.

Le cumul de ces fonctions, politiques et religieuses -principe constitutionnel- :

-Chef de l'Etat,Altesse éminentissime du peuple Bassa, chef de l'appareil législatif et Ethnarque législateur...d une part

-Pontifex maximus, Evêque plénipotentiaire des lieux saints :Ngog Lituba et Song loulou, Interlocuteur des constellations,Commandeur et Guide des croyants …d autre part

interpelle sur la nature -théocratique ou démocratique-de cet Etat. Avec le cumul des fonctions politiques et religieuses, le Monothéisme Elolombiste apparaît donc comme une religion d' Etat. La laicité étant un concept récent, on se demande néanmoins si tous les Bassa étaient Nyambéiste(Elolombiste) ? N existait t-il d autres religions dans cet Etat? Et le cas échéant quel était le statut de ces adeptes des religions minoritaires ?

            ...Culture...Recherche scientifique

      Le système politique des Bassa est très complexe,on constate un fonctionnement démocratique avec la liberté d expression symbolisée par les débats au niveau des assemblées(Boma Mbai, Likoda li Mbai, Likoda li Mbok etc...)

      Mais, L organisation et le fonctionnement de la Noble dynastie solaire des SAA, ne correspond à aucun modèle connu en occident.(théocratie, principauté, République...) . Sa conception, tout comme son perfectionnement sont les le génie d' une culture africaine. Raison pour laquelle, les africanistes n ont jamais pu faire une analyse rationnelle sur l organisation de cet Etat. Une autre explication à cette défaillance est sans doute liée au fait que, les autorités du MBOK BASSA, pour diverses raisons, avaient redouté la sur-exposition. Par conséquent , ne fournissaient que les informations parcellaires.

      Les chercheurs en Droit et en Sciences politiques trouveraient peut être dans le MBOK BASSA, d’innombrables thèmes de recherches. On pourra ainsi initier un modèle d organisation plus efficace, capable de rendre beaucoup plus dynamique, notre collectivité territoriale traditionnelle ; vieille de cinq siècles, mais qui ne construit ni dispensaires ni lycées.

I kété li nyang

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  1. Tous les différents pouvoirs seront étudiés ultérieurement

  2. Au sens étymologique Mono=Unique, physite=Nature et non au sens des débats de Chalcédoine.

  3. Selon le Pr Dika Akwa, c est ce titre du patriarche Bassa, Hiko-oli ,habitant la rive droite du fleuve Wouri,qui aurait été corrompu en Hickory pour donner Hickory-town( ancienne appellation de la ville de Bonabéri).D autres prétendent qu' une espèce d arbres appelé hickory en anglais était très présente dans le coin.

  4. Titre au dessus des MBOMBOK, dans l appareil législatif

  5. GWA-MBOK sacré collège, instance dans le pouvoir législatif , à ne pas confondre avec NGWA-MBOK(Jeudi ?).GWA=bois de construction utilisé comme piliers, souvent assimilé à la longévité, la pérennité,la solidité et la sérénité. pilier central qui soutient l édifice

Bibliographie

-Le MBOK et ses ordres périphériques. MBOMBOK NKOTH BISSECK

-La cosmovision universiste africaine. MBOMBOK NKOTH BISSECK

-Génèse du peuple Bassa-Article de MBOMBOG KEND DJON MINGUE-Litenlibassa.com- 2008

-Fondements d un Etat de droit en Afrique précoloniale -MBOMBOK MBOG BASSONG-2006

-La Monographie sur la nationalité Basa-Pr DIKA AKWA-1980

-« Nature et formes de pouvoir dans les sociétés dites acéphales »- Résumé du colloque organisé à Yaoundé Mars 1978 ; avec la participation des professeurs Titi Nwel, Bikoi Tam, Soundjock

-Eléments du droit coutumier Bassa-1896-J.KOHLER-BERLIN

-Rapport du Lieutenant VON STEIN-Expédition WURI- SANAGA-1908

-Deutsch kolonial lexikon-1920

-Naissance du Maquis dans le Sud-Cameroun- Pr Achille MBEMBE- Karthala 1996

-Les Bassa du Cameroun-Cahiers d outre mer -N°10 Avril Juin 1950-Louis Marie POUKA

-Le Nkaambok, l Ethnarque ou l Edilité apicale des Bassa- Mathieu victorien NTEP-Article litenlibassa.com - Avril 2011

-Bassalogie du Docteur NOUK BASSOMB-Anthropologue Archéologue

-Ngog lituba ou Le génie politique et idéologique de nos pères fondateurs-Article de Boniface PEM- Litenlibaassa.com-2010

-Ame du peuple- Osirien magazine- Etudes Kalmudiques(avec un K)-N°5 Octobre 2005

-Sources orales

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