Le problème des" Mbog" il faut bien qu on en parle finalement-2ème partie

Dans la publication de la plaquette préludant l’événement du 31 juillet 2010 en ses pages 3 et 4, les auteurs y sont revenus sur le terme « mi mpaï mi mbog »1. Sauf que le terme à mon humble avis n’a pas été usité dans son sens d’origine de par les explications mêmes données dans le document en question. Car le disant comme c’est fait dans le fascicule, les auteurs sont donc clairs que les peuples Mpô’ô et Nkoda-Ntoń n’ont jamais eu de Mbombog. Or rien n’est aussi faut que cela !

 

Parlant de Mbog MATUK, il n’est, à vrai dire, pas différent des autres filières dans sa structuration. C’est un conglomérat de castes d’où émerge finalement une catégorie de personnes retenues par leurs familles respectives pour devenir des patriarches, des chefs, et autrement dit, ba mbombog. Pour cela, on ne dira jamais que le Mbog Matuk est un mpay mbok, mais plutôt une confrérie regroupant en son sein des sous-groupes qui eux, pourraient être considérés comme mi mpay mi mbog. C’est le cas des Nub bituda, autant au sein de la confrérie Mpô’ô on retrouve des Mingéé (autrement Minjéé) qui ne sont pas pour autant des Pè-pèè, tout cogmme dans le Nkoda-Ntoń s’évertuent différents castes parmi lesquels celui des ba u-um.

Mbombog Mpô’ô’ est appelé Pèpèè, et n’a rien à avoir avec Ngé-ngéé. Autrement dit, Ngé et Mpepèè sont donc deux choses bien différentes bien qu’étroitement liées par les circonstances géo-sociales. A noter d’ailleurs que le statut de ngé-ngéé ne confère pas automatiquement à l’adepte le statut de Mpe-mpèè. Bien au contraire, c’est même contre nature. D’autant plus que le premier a commerce avec la « saleté » quand le second y est formellement interdit.

C’est quasiment la même chose avec la lignée Nkoda-Ntoń au sein de laquelle s’évertue l’autre grande confrérie, UM. Sauf que dans le dernier cas, on a affaire à un véritable moule de fabrication par excellence des Mbombog. On ne peut être Mbombog Nkoda-Ntoń que si on intègre le cercle UM.

Dans le dernier cas toujours, on doit d’abord parcourir toutes les marches de l’ordre UM, et, parvenant à leur sommet, on arrive à la cérémonie solennelle dite de publication du sacre qui comprend l’assentiment du peuple. Ce qui sous-entend qu’on peut être Ńu-UM sans pour autant devenir Mbombog. Mais le contraire, bien que possible, est toutefois inadmissible. C’est peut-être ici la nuance avec les autres confréries, notamment le Mbog Matuk où Mbombog est une entité à part et n’a rien à voir avec les autres sous-groupes.

Dans la logique, tout basaa doit être Ńu-UM, car UM n’est rien d’autre que la religion et le culte de nos ancêtres. Ce qui ne laisse pas pour autant croire que si on l’est, cela confère tout autant à celui-là le titre de Mbombog qui est l’octroi de la garde des reliques d’un lignage donné. Par conséquent que le Mbombog ainsi élu, n’est pas le Mbombog UM, mais plutôt le Mbombog d’une famille particulière. C’est exactement comme cela se passe d’un Mbombog matuk.

Restant dans le cadre de la confrérie Um, à l’écart du premier Mbombog chef de famille, autrement le chef de lignage, se développe une autre catégorie non négligeable, pour ne pas dire la plus redoutable d’ailleurs. C’est celle des hauts gradés, autrement dit, des sommités particulières de la confrérie qui, sans pour autant être une affaire des familles, sont des mages ayant reçu des pouvoirs y afférents. On parle alors de Mbombog-UM ; ou de Mbombog Nkoda-Ntoń, qui ne sont pas de simples gardiens des reliquaires des familles, mais des gardiens des lois divines et traditionnelles que le vénérables MPAYE avait jadis comparé aux lévites de la bible.

« Mbombog UM », si on peut se permettre ce terme, marque donc pour sa part la fin d’un parcours du combattant lors du quel le concerné passe au grade de Lép Um et reçoit lui aussi un chasse-mouche, car étant devenu consécrateur. Mais dans la réalité, ça ne se passe pas comme cela, d’autant plus que cet initié parvenu à ce stade est d’ailleurs appelé à atteindre d’autres grades qui surclassent ceux d’un Mbombog courant. Bat Um, ou même DJON li UM pour descendre plus bas, n’ont rien à recevoir d’un Mbombog normal sinon, tout à lui donner et à le commander. Car l’autorité des premiers émane des divinités, tandis que celle du dernier vient du peuple. C’est la raison pour laquelle, le chasse-mouche remis au Mbombog normal (le chef du lignage), était réalisé à base des fibres de feuille de palme que chaque membre de la famille était appelé à lui remettre au cours d’une cérémonie de funérailles, symbole de son approbation à l’autorité du premier. D’où cette autorité n’excédait jamais le cadre de la famille. Tandis que le chasse-mouche que reçoit l’autre Mbombog le jour de son passage au grade de Lép Um, est réalisé par ses confrères et béni par le pouvoir immanent de tous les ancêtres au nom de UM, le Dieu immanent et transcendantal que nos ancêtres nommaient vulgairement HILOLOMBI.

Il convient par ailleurs de noter que le rituel des fibres des feuilles de palme était accompli une seule fois dans chaque lignage. Car une fois le chasse-mouche était fabriqué, il allait désormais servir de relique patriarcale gardée par les différents successeurs respectifs du trône. Ce n’est donc pas à chaque consécration qu’on sollicitait la famille pour remettre les fibres au nouveau patriarche, sauf si le premier chasse-mouche était perdu, entaché d’irrégularités ou d’autres cas de force majeure. Ce qui est généralement le cas des familles qui s’introduisent nouvellement au grand patriarcat basaa ou qui se divisent.

Ainsi, il existe en réalité trois types de Mbombog au sein du peuple Basaa :

  • Mbombog en tant que titre honorifique pour tout homme digne et sage. (Hikoo hi Mbog) ;

  • Mbombog en tant que chef d’un lignage, d’une famille, d’un village ou d’un clan, etc. ;

  • Mbombog en tant que cadre supérieur des initiations d’une confrérie donnée, notamment UM.

Pour le premier groupe, le problème ne se pose pas, d’autant plus qu’il se reconnaît inférieur, car ne possédant pas les connaissances du monde invisible et n’ayant reçu aucune onction pour son titre. C’est au niveau des derniers groupes que se passe tout le combat. Les premiers des deux, pour la plupart ressortissants du Mbog Matuk ou Mabuy, veulent faire entendre à qui le veut qu’ils sont les seuls détenteurs des droits de disposer de l’ordre patriarcal ancien, quand les derniers, les initiés, leur rétorquent en boudant systématiquement tout ce qui vient d’eux, sous prétexte qu’ils n’ont de leçons à recevoir des incirconcis, « mi sudè mi bôt ».

M’en fait, qu’est réellement un Mbombog matuk ?

C’est un personnage ayant reçu une initiation particulière coptée de plusieurs rituels. Ici, c’est chaque initiateur qui choisit ce qu’il transmet à son sujet. Ce Mbombog matuk ainsi consacré peut être assimilé à un théurge. Quoiqu’il en soit, il a quatre échelles à gravir pour parfaire son parcours :

  • Ndômbôl nkembèè

  • Matuk

  • Libay

  • Hiéé

La différence dont entre ce Mbombog matuk et Mbombog Nkoda-Ntoń réside foncièrement en ce que le dernier est comparable à un kabbaliste et n’est surtout pas une affaire de famille, mais de religieux et de mystique. Il est fait pour apprendre et appliquer les lois de la nature indépendamment de la condition de la famille qu’il soutient de temps à autres. Il est enfin consacré pour sa part selon un rituel préétabli depuis des millénaires. Quelque soit le consécrateur et l’initié, le rituel de consécration est le même et respecte un code invocatoire préexistant à la notion de Ngok-Lituba.

Mbombog Nkoda-Ntoń connaît aussi ses marches, plus périlleuses sans doute :

  • Lisoba (magamba um)

  • Mayi (bam um)

  • Lép

  • Ngènè um

  • Djôn li um

  • Bat um

  • Ma mal um.

Du grade ma mal um, il n’y a pas eu de contemporain qui ait exploré l’univers suivant. Du temps de nos pères, on était convaincu que c’était le sommet des sommets pour un humain. Or, la réalité en est une autre affaire. Car, les performances réalisées aujourd’hui par les fils d’hommes nous font croire que ce n’est que le début d’un travail qui attend désormais notre génération et celles à venir.

Pour conclure donc avec la différence entre Mbombog matuk et Mbombog Nkoda-Ntoń, nous dirons en dernières analyses que s’agissant des grades des uns et des autres, ceux des premiers sont une institution des hommes, alors que du grade de Nguène-Um chez les derniers en montant, il n’est plus une affaire d’hommes, mais de Dieu, des esprits, et des dispositions propres à chaque adepte.

Il faut donc ici comprendre que le « Mbombog-chef-de-lignage » n’est rien d’autre que nos chefs des familles ou des villages. La société antique avait sa configuration qui n’est plus la même aujourd’hui où la tribu s’est élargie davantage, donnant naissance à de nouveaux sous-groupes et à d’autres grands groupes. A la place des clans ou des lignages, sont nés les villages et des cantons qui regroupent tous les autres peuplades. D’où, la vérité est que le Mbombog dans son ancienne formule est devenu caduc et inexistant, à défaut, ce sont désormais nos chefs de village et de canton qui devront dorénavant assumer ce rôle afin de ramener le Mbog à son état primordial.

Ainsi donc, la réformation du Mbog basaa devra automatiquement passer par ce qui est susdit, à moins de passer à côté du sujet et de rester divisé pour toujours. C’est la raison pour laquelle ceux qui prétendent servir le peuple ou même l’administration en s’érigeant comme une autorité supplémentaire au sein de la tribu, doivent comprendre qu’ils créent plutôt une amalgamation et un conflit d’autorité. Le «Mbombog-chef-de-lignage» devrait aujourd’hui relever de l’autorité publique, à défaut de rester un simple phénomène culturel. Et tant que les gens ne l’auront pas compris et accepté, le Mbog ne restera qu’une banale affaire culturelle sans fondement sérieux.

Toutefois, les gens doivent bien savoir que le Mbog ne pourra jamais exister sans le côté administratif que doivent justement assumer les Mbombog-chef-de lignages. Car il s’agit de leurs terres, de leurs clans, de leurs familles, etc., et les autres n’apparaissent plus alors au sein de cette mêlée que comme des législateurs et des exécuteurs, rôles qu’ils n’ont pas commencé à jouer aujourd’hui, mais qu’ils ont d’ailleurs assumé dans le temps ancien. Alors, pourquoi hier et pas aujourd’hui ?

Lorsqu’à la veille d’un rassemblement que d’aucuns voudraient faste et conciliant certains patriarches se portent la responsabilité de considérer les autres confréries du Mbog comme étant des sous groupes du fameux «mbog bambombog» , c’est simplement grave et, on comprend toute suite qu’aucune issue positive n’y est envisageable, si tout cela ne cache pas plutôt une volonté séditieuse d’activisme d’un mauvais groupe qui voudrait se servir d’une de nos plus vieilles institutions aux fins des positionnements devenus alors coutumiers dans nos cités. Quoi de plus étonnant qu’on retrouve dans le même document un enseignement plutôt éhonté qui prétend que tout citoyen, y compris ba Mbombog, doivent postuler aux responsabilités étatiques et collaborer avec le gouvernement… ?2 

C’est mal connaître le rôle et la nature d’un Mbombog qui ne saurait se mêler des affaires qui ne sont pas de sa congrégation. Il est le gardien de la tradition basaa et non pas de la civilisation occidentale ou des intérêts des états. Il peut, en cas de nécessité, plaider la cause des siens lors des grandes instances ou des sollicitations qui restent d’ailleurs ponctuelles, et non pas s’ériger en esclave d’un pouvoir autre que celui de son peuple et de son Dieu Hilôlômb.

Pour retrouver sa vigueur d’antan, les uns et les autres doivent comprendre que Mbombog Matuk constate, approuve et initie une cérémonie ou un rituel donné. Mbombog-Um à son tour canalisera Dieu sur terre au moyen de sa technique ; tandis que Mbombog Mpô’ô appliquera son alchimie pour que rayonne le peuple. « nkaa njéé bo njock, di baglègè miké : njock ni nkus wéé, njéé ni bilama gwéé3 ».

 

1Citation : mimpay mi mbog :

  • Ko’o : mbog bôga

  • Ngué : ngwéngwét, matibla

  • Um

Nsen wap

  • Ngéngé : mbog mpô’ô – mbombog mpô’ô ;

  • Uum : nkoda-nton – mbombog nkoda nton ;

Di bon lelaa le litén li tibil nôgôs bôt libag li mimpay mini, mi mi ta bé mbog bambombog. Yubda a bi jôp : inyule mbombog = ngéngé = uum.

 

2Cf. fascicule publié à l’occasion de la fête du Mbog prévue le 31 juillet 2010 à Nkong-Ntock. Un document dont certains membres des commissions chargée d’organiser ledit événement ont grièvement contesté et exigé une réécriture rapide.

 

3Traduction : Du procès entre le lion et l’éléphant, que le verdit soit prononcé par les xylophones ! Proverbe basaa.

 

Commentaires   

 
+1 #1 Sack 14-09-2013 19:48
Bonjour. Voici un article édifiant. Mais je pense qu'il apparaît clairement que l'auteur voudrait faire une sorte de publicité en faveur de la confrérie UM à laquelle il appartient aux dépens de MATUK.
En effet, je pense qu'il est très réducteur et même méprisant d'affirmer que MATUK est une affaire d'hommes tandis que UM est une affaire de Dieu et des esprits.
De plus parler de Mbombok-chef-de -lignages, donc MATUK, dont le rôle n'est qu'administrati f est tout simplement ridicule, car les UM assurent aussi ce rôle administratif au sein de leurs clans respectifs.
Vous ne ferez croire à personne que MATUK n'a aucune compétence spirituelle et n'a pas accès à une véritable élévation spirituelle, alors que ce serait le cas de UM!
De grands Bambombok MATUK et NKODA NTON, il y en a et il y en a eu dans le passé au plan spirituel renommés et reconnus.
 
 
+1 #2 Kend Djon 15-11-2013 07:52
@SACK. Votre réaction est sincère et normale. Penser que j'ai en idée de priviligier mon ordre serait ce que tout le monde ferait d'emblée, sauf que je ne rapporte qu'une réalité inédite. Toutefois je ne pense pas avoir insinuer que par le MATUK aucune élévation spirituelle n'est pas possible. Si je l'ai prétendu, ce serait une grave erreur. Je voulais en tout cas entendre par mon propos d'une affaire de théurgie. Par ailleurs si d'aucuns voudront vous dire la vérité ils vous apprendront que le titre de Mbombog a justement perdu tout son sens originel et aujourd'hui typéfie un savant mage et autre féticheur. Mbombog n'est rien de tout cela, il est un simple individu à qui le peuple a échu le rôle de la coordination, de la gouvernance et de l'administratio n du clan. A son service les prêtres, les mages, les sorciers, etc. SACHONS. Ce n'est qu'avec la chute de notre peuple que les Mbombog ont entreprit d'acquérir des pouvoirs spécifiques pour opérer seuls...
 

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