BASSA du WOURI: Entre Extinction et Renaissance
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- Publié le mercredi 25 septembre 2013 10:55
- Écrit par Francis
Les Etats dans leur évolution subissent des changements qui sont le résultat de plusieurs facteurs. Ces nouvelles situations entraînant généralement les réformes, qui marquent la vitalité d une structure. Mais quelles sont les conditions requises pour le succès d une réforme ?. Peut on faire une distinction entre l assimilation et l intégration?Nous verrons comment les interprétations divergentes ont conduit la province céleste de Ngombolo dans un situation unique en contradictions
...Peuplement et carte politique
La Métropole connue aujourd hui sous la dénomination de Douala-Bassa a eu d autres appelations:Biafra, Bascha, Basa ou Cameroon Town, ce qui est la traduction de son peuplement qui s'est fait par vagues successives. Le peuplement comporte différentes souches Nnanga(Bassa, Bakoko,) et Mbongo(Ewale, Malimba, etc...)
La cohabitation entre trois peuples créent inéluctablement des relations et des affinités culturelles mais aussi politiques. ces relations pouvant être à l' origine des généalogies très complexes.La mutuelle assimilation à Cameroons Town a entraîné une série de réforme , mais les peuples présents à savoir les « Nnanga » et les « Bambongo » gardaient jalousement leur autorité , leur souveraineté. Mais il arrive qu un peuple distrait dans la conduite de son destin envisagent les réformes qui se transforment en une catastrophe.
...Réforme ... Conséquences
La réforme dont il est question ici ne concerne ni la confédération du Bas-pays(dite Sawa), ni la Métropole-Etat. Deux entités communes à plusieurs peuples et donc la création fut une chance pour l essor économique de la ville et de la région , mais aussi un pilier pour une cohabitation pacifique. La réforme dont nous étudions, concerne , l'attitude dont une confrérie créée pour une cause provisoire, et qui par une malheureuse conjoncture devint pérenne ,et entraîna toute une province dans une impasse politique et administrative.
Le découpage administratif de L Etat Bassa, (avec ses neuf provinces célestes), les dispositions constitutionnelles de cet Etat, le mode d occupation des sols , font en sorte que toute réforme entreprise dans une province, impacte et engage les autres provinces et partant de là l existence même du Mbog Bassa. La réforme menée à Ngombolo sans aucune concertation avec les autres provinces et les autorités principales en est l exemple type ; un cuisant double échec. Mais de quelle réforme s agit il ? .Pour le savoir laissons la Recherche scientifique et les traditions s'exprimer grâce aux efforts et au talent du pr Dika akwa l Elu de Dieu:
« Ainsi la Cité-Etat du Bas-Biafra ou Basa de la côte coïncidait avec l’actuelle cité de Bonabéri, sur la rive droite du Wouri, soit l’arrondissement de Douala IV. Son chef, contre –roi gardien auprès des autres de la gravitas, la force des anciens manifestée par les conseils gérontocratiques et la coutume, portait le titre de Hiko-oli.Basa il devait être de la tribu Ndog Bong de la sous-tribu Nsaa-Ngombolo. L’arbre symbolisant son pouvoir se trouve encore debout de nos jours ; il fut cédé au XIXe siècle au roi Duala Bellè Ba Doo ou Bell 1er par le contre roi Bassa de la sous-tribu Bonamatoumbè (Ndog-Bong). L’arbre passant aux mains de la dynastie des Duala Bell, l’institution de la Contre-Royauté Basa à Douala prit fin. Toutefois elle légitime chez les Ngala-Duala l’existence d’une double royauté, l’autre étant Douala-Akwa.
« Au Hiko-Oli dont les anglais ont fait Hickory, contre-roi du Bas-Biafra correspondait un Batum, flamine, juge suprême du fromager établit à Douala-Deido sur la rive gauche du Wouri. Le tenant de ce dernier pouvoir judiciaire et commercial appartenait à la tribu des Log Besu de la sous-ethnie Basinkol. Il n’est pas inutile de souligner que les log Besu de Douala, aujourd’hui repliés au km 14 sur la route Douala-Edéa sont frères des Ndog Makumag , théâtre des plus anciennes et des plus prestigieuses épopées Basa. Le grand fromager Basa fut cédé aux Douala-Deido, singulièrement au Bonadjinjé, au cours du XIXe siècle. Dès lors l’institution Basa de Batum disparut ; néanmoins elle légitime par son arbre et l’alliance matrimoniale avec les Duala-Deido l’avènement chez ceux-ci d’un flaminat de la royauté des Duala-akwa. »(1)
Au delà des incompréhensions concernant l organigramme du Mbog , avec les titres comme contre-roi ou juge suprême Batum(2), il existe de divergences fondamentales au niveau de l analyse de ces événements et leurs conséquences sur le plan politique.
Un peuple ne peut saborder ses instances politiques ou bien les transférer que sous certaines conditions :
Défaite militaire
Fusion généalogique ou culturelle et politique
Si les Bassa ont perdu une guerre, au point de transférer ou céder leurs institutions politiques et par conséquent leur souveraineté, la recherche scientifique nous aidera à déterminer le lieu , la date et les résolutions inscrites dans l Armistice.
Le Pr Dika Akwa évoque quant à lui des relations matrimoniales(3), ce qui nous laisse penser que la mauvaise appréciation provient plutôt de la nature même des généalogies des différents peuples engagés
Les Bassa, peuple bilinéaire, qui accorde une primauté aux valeurs et principes qu à une filiation biologique,ont estimé que la succession et la filiation matrilinéaire et l adhésion aux valeurs Bassa étaient acquises et par conséquent ont transféré le pouvoir, jugeant la fusion complète entre les clans concernés. c'est à dire deux peuples formant un seul peuple résidentiel avec les même institutions , la même gouvernance , les mêmes calibres législatifs. Alors que les Bambongo (Ewale) avaient une vision toute différente. C'est cette vision que le Pr Dika expose lorsque qu il parle de « la fin d une institution ».Pour le Bassa, un relais démocratique, inscrit dans une chaîne temporelle de dignitaires, ne signifie aucunement une fin. Si leurs institutions prenaient fin, comment les Basa envisageaient ils leur devenir politique et administratif ? Par ailleurs, comme il semble que cette transmission de pouvoir aurait légitimé certains dignitaires et dynastie Duala . ceci nous interroge sur plusieurs aspects
La légitimation dont il est question ici , suppose t elle un rapport de vassalité entre les Bassa[suzerain] et les Ewale[Vassaux]?Les traditions orales et la recherche scientifique n'ont rien révélé de telle.
Est ce le rôle des Bassa de légitimer les pouvoirs dans les autres groupes ethniques ?Surtout en se délestant intégralement de leurs propres institutions politiques ?
Est ce leur mission de mettre fin aux querelles « dynastiques » ? Oui la sagesse africaine nous apprend qu il faut éteindre l incendie dans la maison du frère ou du voisin avant qu' il ne s étende sur la sienne. Mais à quel prix devaient ils le faire?
Et cette transmission s'est elle effectuée suivant les règles, procédures et les dispositions constitutionnelles du Mbog Bassa?
Il est formellement établi que le peuple Bassa , par les Insignes, les armoiries , les reliques du Mbok(bibang bi mbok) et la cérémonie de Libambal Mbok, légitime le pouvoir d'un nouveau Mbombok. Ce rang et statut de Mbombok, n' étant transmis et accordé à un citoyen que si la collectivité lignagère ou territoriale, juge qu'il en est un membre à part entière,par conséquent peut assumer le leadership politique, administratif et spirituel. C'est peut être ce jugement hâtif et sans doute naïf, qui aurait poussé le peuple Bassa du Wouri à remettre le pouvoir politique à des familles ou clans dont il ne se doutait plus de leur irréversible appartenance au peuple Bassa :On connaît la suite.
Que sont devenues ces institutions et particulièrement le tribunal judiciaire et commercial ? Quand on sait que le XIXè siècle correspond à la « création » du Ngondo version Ewale et l' installation d une cour d' Equité. Tout chercheur ou profane ne pourrait que se poser la question sur la genèse de ces nouvelles institutions-Cause à Effet-.En termes plus explicites, est ce le Um pouvoir judiciaire chez les Bassa qui aurait généré les autres institutions judiciaires ? Ou tout au moins aurait été l' un des ingrédients ayant favorisé l'éclosion de ces institutions ?
L' échec de cette réforme, conduite de façon solitaire et désinvolte par la confrérie Ngomkok, impacte durablement les relations entre le peuple Bassa (du Wouri) et et le peuple Ewale. Elle crée une situation bien singulière sur le plan politique. D un côté , il y a un peuple Bassa , avec de fortes exigences en démocratie,qui se retrouve sans direction politique propre, réduit à s accrocher à une communauté Duala qu'elle a pourtant accueillie. De l'autre côte un peuple (Duala), qui au départ avait une monarchie unique , héréditaire, avec des règles de succession établies , se retrouve avec une infinité de rois régnant sur une infinité de minuscules royaumes.
La confrérie Ngomkok, regroupant certains dignitaires Bassa et Bakoko de la côte, fut créée dans le but de conduire la fusion(XVIIIè siècle) entre le royaume Logodip (bakoko) et la province céleste Ngombolo(Mbog Bassa).Tâche qu'elle réalisa magistralement. Par la suite, Cameroon Town devenant un nœud commercial pour le vieux Cameroon, elle obtint de larges prérogatives par rapport au Mbog Bassa. Ces vastes prérogatives l entraînant à prendre des malheureuses décisions tant sur le plan cadastral et foncier que sur le plan politique. Donnant l impression que la la province céleste de Ngombolo(maintenant agrandie) était une entité totalement indépendante du reste du Mbog Bassa. Ce qui a conduit à l adoption des nouvelles généalogies telles Bassa'a Mbongo et une quasi-extinction culturelle du peuple Bassa du wouri etc...La renaissance et la dynamique culturelle qui anime actuellement des Bassa et Bakoko de Wouri n ont pas encore atteint le seuil nécessaire pour compenser et corriger les méfaits de cette confrérie de Ngomkok.
Les clans de la ville , avec un exode de Bassa vers l intérieur , suite aux différents évènements politiques, et aux décisions concernant le foncier,sont en général constitués de trois lignages:1 lignage majeur Duala qui donne le nom au clan et deux lignages mineurs Bassa et bakoko. Le clan Bassa étant le nom originel du village. En voici quelques exemples
Bonajinjé (Duala ) Bonakwamwang(Duala) Bonamwang(Duala)
Log Besu (Bassa) Ndonga(Bakoko?) NdogBakeng(Bassa)
Yangbè(Bakoko) Logmangaa(Bassa ) Yadimban(Bakoko)
Bonelang(Duala) Bonaberi(Duala) etc...
Yakaboti(Bakoko) Bonamatoumbe-sodiko(Bassa)
Ndogsul(Bassa)
Ces lignages Basa et Bakoko, devenus minoritaires tant sur le plan démocratique que démographique et insignifiant sur le plan politique traditionnel, camouflent leurs généalogies.Les boutades, entretenues par une Histoire idéologique en ont fait des hommes et des femmes de condition servile. Mais plus grave encore, une immense majorité de Camerounais , considérait les Basa du Wouri, comme les migrants de fraîche date, venus de l'intérieur et attirés par l essor économique de la ville. Alors que les Autochtones du département, pour reprendre la terminologie administrative sont bien ceux -là. Le canton représentant les 2/3 du département. En d autres termes, l installation des Bassa dans le Wouri est concomitante à leur installation à Eseka ; Pouma, Yabassi, Ngambe.etc ... , c'est à dire vers la fin du XVè siècle.
Revenons en quelques lignes sur quelques aspects le système politique du MBOG BASSA
Lorsque les lignages Bassa s installent dans l estuaire et les berges du Wouri, l installation des différentes familles obéit à une règle de sécurité que nous pouvons résumer en « njock tadi bé bon i Mbous » qui signifie que la mère éléphant place toujours ses éléphanteaux devant elle pour mieux assurer la protection
Le site le plus proche de l'estuaire revint aux patriarches NSAA et LONGUE,les plus âgés, le site médian revint aux Patriarches KUL et BOUM, et le site le plus éloigné de la mer , le plus en amont du fleuve aux plus jeunes BISU et BONG.La constitution du MBOG BASSA, dont nous avons révélée certaines dispositions, définissait les fonctions et les prérogatives de la manière suivante :
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Ethnarque NSAA:Mbombok Hond Kena=Magistrat Législateur.Matouk=Législatif
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Ethnarque BISU :Nu-Um = Magistrat Provincial.Um=Pouvoir Judiciaire
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Ethnarque BONG :Hiko-Oli= Suprême conseiller d'Etat .Autorité Centrale. .Hikoo ou Kobi=Conseil d Etat .Il était sans doute le plus jeune de tous ces patriarches
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Ethnarque KUL =Hiko-Mbok=Conseiller d'Etat provincial .Kobi ou Hikoo=Conseil d Etat
Les autres patriarches ayant les fonction telles Mbombok Mabuy législateur, les Ngue, Kwakwe etc...
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HIKOO OU KOBI, Contre pouvoir, conseil d Etat avec le grade suprême de Hiko-oli, fonction unique au dessus de Hikoo-mbok dans cette institution. Hiko-oli ne pourrait être un contre-roi , tout simplement parce que il y a pas de roi chez les Bassa.Mais l utilisation de l expression contre- roi nous démontre et nous indique clairement dans quelle direction, la confrérie Ngomkok, tout en exacerbant les égoïsmes claniques et provinciaux avait embarqué les pauvres et non moins malheureux Bassa et Bakoko de la côte. Parvenue à ses fins sordides, les a abandonnés à leur sort. Un sort fort tragique.C est avec beaucoup de courage et de tenacité que les jeunes générations des Bassa du Wouri essaient de vaincre ce sort
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UM, pouvoir judiciaire,la famille Basinkol dans la province était représentée par les Log Bisou, c'est à elle que revenait la charge d organiser l appareil judiciaire avec le titre de Nu-um.Fonction juste en dessous des Basan Um (les Hauts magistrats) et le Batum (le juge suprême) qui eux siégeaient tous, dans la province céleste de Holong. La transformation du titre de Nu-Um en Batum , témoigne là aussi des basses manœuvres menées par la confrérie Ngomkok, qui n a pas manqué d énergie pour transformer une province céleste, certes avec une autonomie légèrement supérieure aux autres provinces, en un « Anti royaume » . Qu'est ce qu'un anti-royaume ? Chacun connaît la suite de cette grotesque et ubuesque aventure égocentrique.
….Renaissance culturelle...Rétrocession du patrimoine
Les différents traités n ayant pas été respectés , il ne serait pas absurde d' envisager une rétrocession. La politique de la renaissance africaine , initiée par l ex président sud africiain Thabo Mbeki, relayée par les autres, incitent les peuples africains à la revalorisation de leur patrimoine culturel , base de tout développement économique. Mais comment les peuples peuvent ils valoriser leur patrimoine quand celui-ci est absent ? Car il faut bien le reconnaître , ce qui s 'est passé à Cameroon Town au XIXè siècle relève d une profonde divergence de vue entre les deux groupes ethniques. On ne mentionnera pas ici les différentes méthodes qui peuvent faciliter cette restitution. Toutefois , ces methodes correspondent au cas de figure qui pourraient se présenter.
Le plus favorable de ces cas de figures est une attitude coopérative du peuple frère Duala , qui reconnaît, comme il l a toujours fait, que ces fromagers et baobab sont les sanctuaires Bassa , et par conséquent , se retire de ces lieux. Mais cette hypothèse qui paraît la plus probable , ne doit pas masquer , d' autres éventualités. En effet ,On peut aussi très bien imaginer une minorité d' extrémistes enfermant le peuple frère Duala dans une attitude agressive et irresponsable que l'on pourrait résumer par cette phrase toute camerounaise :« Ne nous tentez pas ! On ne vous restitue rien ! Si vous êtes les hommes, venez reprendre! » Quelles seront alors les conséquences d une telle attitude négative.? Quelles sera la réaction de la fraction d'extrémistes Bassa ? Laissera t-on quelques aventuriers de tous bords prendre en otage une fraternité solidement établie et avérée ?
Heureusement, la région ne manque pas de ressources tant sur le plan intellectuel,spirituel que humain, pour résoudre avec une grande élégance des problèmes de transmission culturelle.Et Les associations culturelles telles Mbog Bassa, Mbog parlement, Mbog liaa , Ngondo, viviers d' hommes et de femmes de grande sagesse,intrinsèquement imprégnés de valeurs africaines telles l Harmonie et le Consensus, devront pleinement jouer leur rôle. Elles pourront ensemble, définir les modalités et les procédures pour une rétrocession pacifique,républicaine et fraternelle.Si jamais on juge une rétrocession utile.Nulle doute que cette restitution se fera dans la fraternité , si on se rappelle les relations cordiales et affectueuses qui unissent les Bassa aux Bambongo. Relations tissées au fil des siècles.
I kété li nyang
Francis
(1)Dika akwa in monographie sur la nationalité Bassa-1980
(2)voir article Mbog Bassa organigramme politique et administratif
(3)Mariage de Ipahi Dissow (epassi Dissome) fille du Hiko-oli Dissow
Bibliographie
-Monographie sur la nationalité Bassa-Pr Dika Akwa
-La cote du Cameroun dans l histoire de la cartographie
-L univers de la parole-Mbombok Mayi ma Matip ma Domboll
-Sources orales
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