PEUPLE BASSA: Formation et Evolution
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- Publié le mardi 26 mars 2013 08:40
- Écrit par Francis
Le peuple Bassa, dans ses multiples légendes, mythes et récits nous apprend et nous
apporte un certain nombre d’enseignements dans sa composition, son évolution et son espace. Nous allons examiner le BASSA dans trois dimensions ; à savoir : Identitaire, Politique, Résidentiel.
1-POLE IDENTITAIRE
Il est très difficile de traiter la notion de l’identité. Elle renvoie d’une part, à un rassemblement pour tous ceux qui se ressemblent ; ce qui est positif. Mais d’autre part, elle exclut, rejette ceux qui sont différents ; ce qui est insupportable. Où commencent les différences et où s’arrêtent les ressemblances ? Pour nous, la notion du pôle identitaire est une approche qui nous permet d’expliquer les étapes de formation du peuple Bassa ; mais aussi ses relations avec les peuples voisins. Peut être fallait il appeler ce pôle, le « pôle Ancien »
Il est communément reconnu que le peuple Bassa possède trois composantes sur le plan identitaire. Cette identité (Notion sensible) est constituée par tous ceux qui, spontanément sont animés du sentiment d’appartenance à un même peuple. On peut donc affirmer que le pôle ancien Bassa est l’union du MBENE, MPOO et du BATI.
Ce terme de Mbene (mvèllé pour les Beti) utilisé pour désigner les Bassa (au sens réducteur), n’est connu que par les Mbene (eux-mêmes), les Ewondo, les Eton, les Mpoo et les Bati. Les autres peuples utilisent généralement le terme générique Bassa qui, renvoie à une réalité plus large. D’éminents Ethnologues ont essayé de déterminer avec exactitude, l’origine de ce lexème Mbene. Pour certains, c’est le nom donné par Nanga1 à l’un de ses fils, et pour d’autres c’est un nom Liturgique. Comme pour la plupart des peuples africains, il faut distinguer le nom totémique, liturgique et généalogique.
Les Mpoo, souvent désignés par Baso n’échappent pas à ces mystères qui entourent généralement les peuples africains. Là aussi on peut se demander d’où provient le lexème Baso ? Serait-il le pluriel de Sow ou Sao du Lac Tchad ? Difficile de répondre à cette question ; mais certains Anthropologues et Historiens le pensent. Par ailleurs, on les désigne aussi par Bakoko. Mais dans ce dernier cas, les recherches ethnologiques et linguistiques ont démontré que, Bakoko est terme utilisé par nos voisins Baluba pour désigner cette composante : Bato ba mukoko. (Les gens du sable) en faisant référence à leur proximité avec le milieu marin, les plages.
Seuls les Bati ont gardé leur dénomination réelle, mais souvent on les désigne par Bati ba hon
Il s’ensuit que la langue Bassa possède deux parlers. Chacune de ces deux variantes ayant un rôle et une fonction définie. C’est ainsi que le Mbene (mè a) est généralement reconnu comme la variante politique, démocratique, institutionnelle ; alors que le Mpoo (mombe, me biè ne) est la variante réservée à la liturgie de l’institution NGUE.
L’appellation MBOG Bassa, Mpoo, Bati semble donc erronée, il faudrait peut être remplacer Bassa par Mbene, ce qui reviendrait à dire MBOG Mbene Mpoo et Bati ; et c’est l’ensemble de ces trois composantes qui forme le « pôle ancien » Bassa. Mais d’où provient le terme Bassa ?
Pour les uns, Basaa pluriel de Saa serait la rétribution, la bénédiction ou la dispersion. Pour d’autres c’est les adorateurs du Dieu SAA du panthéon egypto-pharaonique.
Dans le tableau suivant, nous allons énumérer les onze familles (Lilom) qui constituent le « pôle ancien » Bassa et leurs sous-familles respectives (MATEN). Afin de faciliter la lecture nous avons soustrait les préfixes LOG et NDOG. De même que nous n’avons pas mentionné toutes les sous-familles.
FAMILLES
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SOUS- FAMILLES |
BASINKOL
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Bisu ,Nkol,Baki,Ntjok ,Nem , Makumag, Kuo… |
JOL
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Bea , Batjeck, Kobe,Nlet, Nit,Oa,Send ,Beaya… |
MPOO
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Bisoo,Yakalak,Adie,Yassuk,Yapeke, Yabiang,Yapoma,Yabii,Donga,Bessol Badjob, Penda, Dimbomg,Yawanda..
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SOP
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Bakembe,Bati, Sop, Lii, Bilem ,Ot … |
NYOMB
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Hende, Mangaa, Ngond Tindi, Ntomb, Njee, Ngas…
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NSAA-NGOMBOLO
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Bakem , Bong,Nyig , Paa…
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BAKENG
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Ndjee, Bakeng , Basumbul Heega , Dikid, Ngond Mben, Ngwang,Bakenga… |
MBELECK
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Bakoo, Koma, Kama, Sul, Kok,Nsimbi... |
OU
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Baeg , Bakee, Kat, Lem, Nwanang… |
MBASSA
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Banol ,Balak, Bitek, Linda, Pol,Nyamtam… |
BATI
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Bikim, Kitack, Nyambat, Mpaagué... |
Il est difficile de savoir si ces familles et sous-familles, comme elles le prétendent, sont des descendants d’un même ancêtre. Nous ne détenons pas un registre d’état civil, et Les tests ADN relèveraient d’une autre idéologie. Une chose est certaine, c’est qu’il existe des liens indéfectibles qui reposent sur des valeurs et des principes tels que :
Le Monothéisme : Elolombisme-Nyambéisme
La Liberté-Démocratie : Khundéisme
La Justice-Vérité : Maat(lire maaté)
Le Progrès : Mahol
La Solidarité : Duniya
La Fraternité :Li nyang
Ce premier pôle a établi des rapports très étriqués avec d’autres peuples ; tant sur le plan culturel que sur le plan politique ; le culturel et le politique étant le plus souvent très liés.
2-POLE POLITIQUE
…Concile de NGOG LITUBA et la Réforme du MBOK
D’après le professeur Dika Akwa, la Noble dynastie solaire, Mbog Bassa, aurait apporté trois réformes fondamentales à son système politique. Voici ce que le professeur Dika nous apprenait sur FM 105 SUELLABA:
« Le Mbog Kwang Kwang c'est à dire l'antiquité et qui serait (selon moi) l'ÉTAT qui aurait existé depuis l'Égypte; et qui rénové donna naissance au Mbog Kwang.
-Le Mbog Kwang, le moyen-âge qui devait réadapter l'État du Mbog au nouveau contexte des évènements créés par les envahisseurs perses, romains et berbères ; c'est en effet celui là même qui sera rénové en Mbog Koba à Ngog lituba.
-le Mbog Koba, c'est à dire le temps moderne, institué à Ngog lituba afin d'intégrer de nouvelles données tels les peuples Bati et autres. »
Dans cet extrait, il y a une expression qui mérite toute notre attention : « Bati et autres ». Si les Bati ont, depuis lors intégré le « pôle identitaire » encore appelé « pôle ancien », on peut se poser la question de savoir : Qui sont les « autres » ? Et que sont ils devenus ?
La Réforme du Mbog qui a eu lieu à Lituba au XVè siècle, concernerait donc des Bassa du pôle ancien c'est-à-dire : Mbene, Mpoo, Bati ; auxquels se sont joints progressivement : Les Banen, les Yambetta, les Hijuk, les Yambassa, Les Ngumba et les Bako etc... Donc le Bassa au sens pré-colonial et politique du terme, comprend tous les peuples cités ci-dessus. On sait que chacun de ces peuples a apporté un rite2, un savoir, une liturgie supplémentaire au MBOG. Quand les dignitaires de certaines de ces familles manquent aux cérémonies d’intronisation d’un Mbombok, on dit généralement que le nouveau Mbombok a reçu « un Mbok incomplet ».Cette expression de « Mbok incomplet » résume à elle seule, la nature et la dimension politique du peuple Bassa.
Cette réforme a permis au Bassa de confirmer ou de se doter d’un certain nombre d’institutions telles le Mbok, le Um, le Ngue, le Kwakwe, le Koo etc…
Le Mbok ne serait donc pas uniquement le Mbok des Mbene, Mpoo, Bati. Il faudrait y ajouter les autres composantes du peuple Bassa : Ngumba, Banen, Hijuk, Yambetta etc…
La fabrication des identités particulières, les événements liés au processus de décolonisation, la politique de l’équilibre régional ont sans doute fragilisé ce pôle politique. Il reviendra aux nouvelles générations de refonder un système socio-culturel, qui permettra à tous les Bassa, de revendiquer leur appartenance sans aucune frustration, aucun complexe, ni outrance. Le peuple Bassa étant construit comme nous le savons tous, sur les valeurs et des principes, et non sur des généalogies.
3-POLE RESIDENTIEL
Les Bassa partagent un vaste territoire avec d’autres peuples et plus précisément les descendants de Mbongo3. Les Bassa au sens politique du terme, ont créé avec ces derniers, diverses Organisations ; on trouve des institutions ou confréries communes (Bassa+Mbongo) telles Mungi, Bot ba ngan, Bisima, Nkunku, Manganga et mêmes des structures étatiques communes telles que la confédération Sawa etc…
Mais à coté de ces convergences côtières, il existe des similitudes plus grandes encore avec le peuple Fang-Beti tant au niveau politique qu'au niveau culturel. La rubrique convergences en traitera une bonne partie de ces aspects
Nous pouvons aussi mentionner la réforme du Mbog4 (incomplète pour les uns ou échec pour les autres) qui eut lieu à Cameroon-Town5 au cours du XIXè siècle et le Massosso ma Nyambe6. L’espace résidentiel des Bassa serait donc les provinces du Littoral, Centre, Sud, et le Sud-Ouest. Mais les lois du Mbok ne s’y appliquent pas uniformément. Dans cet espace, le Bassa pouvait se mouvoir en toute liberté. Nous pouvons conclure que ces régions constituaient un espace résidentiel commun à plusieurs peuples.
En quelques lignes,Nous avons essayé de présenter ce qui nous semble être le peuple Bassa, tant dans son évolution spatiale que dans ses relations avec ses voisins.
I kété li nyang
Francis
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(1) Nanga est l’ancêtre supposé des MBene (Bassa), Mpoo, Bati, Ewondo, Eton, Bulu, Manguissa, Yambassa et Sananga…
(2)Ces rites et ces savoirs seront détaillés dans les prochaines études.
(3) Mbongo est l’ancêtre supposé des Ewale, Ewodi, Bodiman,Batanga, Pongo, Bakweri…
(4)Nous reviendrons plus largement sur cette réforme dans les prochaines publications.
(5) Ancienne appellation de la ville de Douala-Bassa
(6)Pacte spirituel unissant certains peuples du Littoral camerounais
Bibliographie :
-Bassalogie du Pr NOUK BASSOMB
-Le savoir social du peuple Bassa- Thèse du professeur MBOUI Bordeaux 1967
-Monographie sur la nationalité BASSA- Professeur DIKA AKWA -1980
-Emissions sur SUELLABA FM 105
-Travaux du professeur Jean Baptiste OBAMA
-Deutsches kolonial lexikon –(1884-1916)
-Les Bassa du Cameroun -cahier d Outre mers-1950-JM POUKA
-Sources orales
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